Après un début d’année ordinaire, je ne pouvais me douter qu’une pandémie virale et une dure réalité nous attendaient bientôt. Au Royaume-Uni, les premiers cas ont été détectés vers la fin de janvier. Même si nous ne faisions alors pas partie d’un groupe vulnérable, des reportages exagérés dans les médias au sujet de jeunes gens dont la santé se détériorait rapidement, nécessitant de l’assistance par ventilateur, causant parfois même la mort, ont semé la peur dans nos esprits. Comme la proximité constitue le principal facteur de risque de propagation, il n’est guère étonnant que Londres ait rapidement connu une croissance exponentielle de cas de COVID-19. Des mesures simples de santé publique comme se désinfecter souvent les mains et éviter de se toucher fréquemment le visage n’ont pas ralenti la propagation du virus et le nombre croissant de cas a mené à un confinement total à la fin de mars. Le Parlement du Royaume-Uni a conféré au gouvernement des pouvoirs d’urgence afin de faire face à la pandémie et les services policiers ont été habilités à faire respecter le confinement. Les craintes d’un désastre et d’une pénurie d’approvisionnement a dégénéré en achats de panique. La situation a lentement commencé à se rétablir en mai et le gouvernement envisage d’assouplir progressivement les mesures de confinement.

Des changements radicaux et profonds ont été apportés au Service national de santé (NHS). L’établissement de santé où je travaille compte parmi les cinq établissements les plus touchés du Royaume-Uni. Les spécialistes en santé diagnostique ont commencé à travailler exclusivement de leur domicile, assistant notamment à des réunions multidisciplinaires au moyen de logiciels de conférence en ligne. Du jour au lendemain, les services de radiologie d’intervention ont été limités aux urgences. Un collègue radiologue chevronné a été nommé responsable de la radiologie COVID, chargé de collaborer avec les autres départements et avec la direction de l’hôpital afin d’apporter les changements nécessaires en radiologie pour répondre aux besoins de cette pandémie. La validation des cas planifiés et la classification en différentes catégories  d’urgence et de gravité ont suivi.

Les interventions musculosquelettiques comportant des injections de stéroïdes, les angioplasties en patients ambulatoires, les REVA non urgentes, les interventions en oncologie incluant les biopsies ont cessé. Les angioplasties ont été limitées aux cas critiques de membres ischémiques de patients hospitalisés. Les REVA ont été restreintes aux anévrismes rupturés. Malgré une réduction marquée du nombre de procédures de radiologie d’intervention, l’isolement du personnel symptomatique a fait que le personnel en poste était presque toujours occupé. Le temps des interventions était aussi prolongé du fait qu’il fallait mettre et enlever un ensemble complet d’ÉPI pour chaque patient suspecté ou confirmé d’infection, ainsi qu’aseptiser la salle d’examen entre chaque patient. De surplus, le nombre d’interventions au chevet des patients infectés a considérablement augmenté afin d’éviter de les déplacer dans l’hôpital.

Des plans visant à recourir à des hôpitaux privés pour fournir des voies « vertes », ciblant particulièrement des services d’oncologie et de traumatologie pour des patients dont les tests de dépistage de COVID étaient négatifs ont été instaurés avec succès, quoique ces endroits n’aient pas la capacité d’absorber toute la charge de travail du NHS. Malgré la désignation d’un hôpital « vert » dans le centre de Londres pour les interventions vasculaires, les délais d’attente ont considérablement augmenté. Nous avons récemment vu un patient de REVA ayant un anévrisme de l’aorte abdominal en rapide progression qui a dû attendre trois mois. Nous conseillons désormais ces patients au sujet des dangers de reporter le traitement, en les opposant au danger de contracter la COVID dans notre hôpital s’ils sont traités et, si les patients donnent leur accord, toutes les mesures sont prises pour leur fournir la voie la plus « verte » possible, en passant le moins de temps possible à l’hôpital.

Des changements structurels d’envergure sont apportés aux hôpitaux, qui sont divisés en zones selon un code couleur – vert, jaune et bleu, pour servir les cas confirmés négatifs, n’ayant pas été testés et confirmés positifs, respectivement – en restreignant les déplacements des patients et du personnel entre les différentes zones. Par exemple, les déplacements d’une zone verte vers une zone jaune vers une zone bleue seraient permis, mais pas dans la direction opposée. Les consultations externes sont effectuées au téléphone. La capacité des départements de soins intensifs a quintuplé. Une équipe de psychologues a été affectée au soutien psychologique de notre personnel, en personne et au téléphone. Le défi actuel que doit relever notre département consiste à gérer les services de radiologie d’intervention dans les différentes zones de l’hôpital, ce qui peut nécessiter une division indésirable des membres du personnel de notre département qui sont désignés pour travailler dans les différentes zones.

Cette pandémie de COVID nous a enseigné comment une organisation peut se montrer à la hauteur et faire preuve d’innovation, de collaboration, de dévouement, de capacité décisionnelle, de reconfiguration de services et de restructuration des effectifs. Dans l’espoir de la découverte d’un traitement ou d’un vaccin efficace, nous nous préparons à vivre avec l’impact de la pandémie de COVID-19 au cours de l’avenir prévisible.

 

 

 

 

Dr. B. P. Krishna Prasad
Radiologue consultant, Hôpitaux BHR