À l’issue de ma première formation de surspécialisation en radiologie d’intervention, quand je suis revenue à Saskatoon, c’était les radiologues qui posaient tous les CCIP (principalement les radiologues d’intervention, même si certains radiologues généraux le font aussi désormais). C’est ainsi que cela s’était toujours passé. Récemment, à l’hôpital Saint-Paul (SPH) de Saskatoon, des technologues ont pris l’initiative de poser les CCIP, ce qui a été à la source d’un changement de pratique, et ce sont désormais principalement les technologues qui effectuent cette tâche. Je me suis demandé si d’autres établissements du Canada envisageaient aussi potentiellement de passer à un tel modèle. Dans un esprit de collaboration, j’ai décidé de m’entretenir avec les technologues en question
MISE EN GARDE : Étant donné l’excellent sens de l’humour de nos lecteurs, Cole et Jacquie ont été encouragés à recourir à l’humour le plus souvent possible. Ils se moquent des radiologues d’intervention avec lesquels ils travaillent le plus souvent possible, en laissant entendre que nous sommes sans arrêt occupés à gérer des affaires qui n’ont rien à voir avec le travail. C’est peut-être vrai… Ou pas.
NS: Expliquez à nos lecteurs qui vous êtes, et ce que vous faites.
CF: Je m’appelle Cole Frandsen, et je travaille en tant que technologue d’intervention à l’hôpital Saint-Paul de Saskatoon depuis 2011, depuis que j’ai terminé le programme de Sask Polytech. Je termine actuellement mon baccalauréat en Sciences de la santé à l’Université Thompson-Rivers. Quand je ne suis pas à l’hôpital, j’aime être au plein air et voyager le plus souvent possible; le cyclisme, le golf, le ski et les sorties entre amis occupent habituellement le reste de mon temps.
JT: Je m’appelle Jacquie Turley. Je travaille à l’hôpital Saint-Paul de Saskatoon depuis que j’ai terminé le programme de Sask Polytech, en 2012. J’ai été technologue généraliste tout en effectuant mes études de premier cycle à l’Université de Saskatchewan jusqu’en 2015. Peu après, j’ai obtenu un poste en radiologie d’intervention, que j’occupe depuis 2016. J’ai passé la majeure partie de la pandémie à effectuer une maîtrise en gestion des services de santé à l’Université Royal Roads, et j’entends bien désormais utiliser mes pouvoirs à bon escient au sein de la Régie de la santé de la Saskatchewan. Dans mes temps libres, j’aime voyager dans le temps, assister à des concerts, passer du temps avec mes animaux, camper, faire du cyclisme. Je pratique également le boulingrin (lawn bowling) à titre récréatif depuis 7 ans.
NS: Qu’est-ce qui a motivé le transfert de la mise en place des CCIP des radiologues aux technologues?
CF: J’ai découvert que des technologues ou des infirmières plaçaient des CCIP lors du congrès annuel de CIRA, qui a eu lieu à Montréal en 2014; c’est ce qui m’a motivé à commencer à mettre ce système en place dans notre établissement de Saskatoon. Nous avons constaté l’évolution de la pratique des radiologues d’intervention à SPH, ce qui nous a motivés à faire évoluer également la pratique des technologues.
Depuis la mise en place de ce mode d’action, les flux de patients se sont considérablement accélérés et la mise en place de CCIP a été grandement améliorée, ce qui a comme conséquence non seulement de disposer d’une voie veineuse sécuritaire pour les traitements des patients hospitalisés, mais aussi d’améliorer le cheminement hospitalier des patients afin de leur permettre de sortir plus rapidement de l’hôpital. Nous n’avons plus besoin d’attendre que les radiologues soient disponibles pour réaliser ces interventions, puisqu’ils sont habituellement accaparés par l’une des nombreuses interventions complexes dont ils sont inondés.
JT: J’ai assisté au congrès annuel de CAIR en 2018 et participé à l’atelier sur les voies d’accès guidées par échographie, qui m’a beaucoup appris sur l’échographie. Nous en avions marre d’attendre les radiologues qui étaient soit occupés à participer à d’autres interventions, soit « occupés » dans leur bureau, mais passaient en réalité des appels personnels, achetaient/cherchaient des tickets de cricket en ligne ou encore achetaient des immeubles commerciaux. Entre deux dictées, ils semblaient se passionner de plus en plus pour les Bitcoins (quoi que ça puisse être).
NS: Le Bitcoin est une monnaie virtuelle! Ce n’est pas si difficile à comprendre?! Bon, décrivez-moi les étapes de la mise en place de ce programme.
CF: Avec l’un des radiologues d’intervention du service, j’ai commencé par communiquer avec l’association professionnelle provinciale des technologues (SAMRT) pour vérifier qu’il était vraiment possible d’intégrer ces tâches à notre pratique.
J’ai reçu énormément d’aide de la part de notre représentante d’Angiodynamics© Angela Tyler, qui avait déjà pris part à la mise en œuvre d’un programme similaire. J’ai découvert que les programmes menés par les technologues étaient beaucoup plus rares que les programmes menés par le personnel infirmier. Angiodynamics© nous a dispensé les modules officiels de formation sur la mise en place des CCIP et a aussi créé un module de formation spécifique à notre établissement, qui passe en revue en détail la procédure complète d’insertion d’un CCIP. Ce module a été créé avec nos trois radiologues d’intervention.
Après un très grand nombre de réunions avec les différents responsables, et des retards dus à une restructuration de la région sanitaire provinciale, nous avons finalement réussi à mettre le programme en place au bout d’environ 3 ans. Ce sont notre persévérance et notre motivation qui nous ont poussés à avancer vers la réalisation de ce rêve, malgré l’envie de tout abandonner qui nous a traversé l’esprit plus d’une fois.
JT: Selon ce que j’en sais, Cole a assisté à au moins 1 000 réunions, répondu à 32 000 courriels, voulu jeter l’éponge entre 3 et 5 fois, et le département juridique lui a bloqué la route seulement trois fois. Ce n’est qu’à force de volonté qu’il a réussi à triompher de la bureaucratie et à finalement arracher la victoire.
NS: Quel a été le plus gros défi à surmonter?
CF: Honnêtement, l’ensemble du processus s’est plutôt bien passé, à part le temps et la volonté nécessaires pour créer toute la documentation. Les responsables de SAMRT et de la Régie de la santé de la Saskatchewan nous ont aidés tout au long de notre cheminement à partir du moment où nous faisions en sorte de faire les choses légalement. Nous avons reçu un immense soutien des radiologues d’intervention, qui nous ont appuyés du début à la fin. Ils ont assisté à de nombreuses réunions avec moi et m’ont aidé à créer et à dispenser notre formation jusqu’à ce que nous soyons opérationnels.
JT: Je constate que d’autres établissements ont parfois un certain manque de soutien de la part de leurs radiologues d’intervention, mais heureusement pour nous, les nôtres nous obéissent au doigt et à l’œil et ils nous ont aidés tout au long du processus. Plus sérieusement, les médecins doivent être moteurs dès le départ, puisqu’un tel programme nécessite énormément de confiance entre eux et les technologues. Par ailleurs, la Régie de la santé est, va savoir pourquoi, à l’écoute des médecins, ce qui aide.
NS: Que feriez-vous différemment?
CF: Même si j’ai été persévérant, je pense qu’une approche légèrement plus confiante m’aurait aidé à faire décoller les choses un peu plus rapidement.
JT: J’aurais embarqué dans le projet dès le départ, pour pouvoir m’attribuer une plus grande part de la réussite de ce projet.
NS: Quelle est la suite, selon vous?
JT: Je pense que nous avons posé d’excellentes bases auprès de la SAMRT et de la Régie de la santé pour mettre en place un programme de technologues spécialisés dans notre établissement. Ce rôle leur permettrait de prendre en charge quelques-unes des interventions de radiologie les plus simples ou les moins risquées ainsi que le suivi de l’administration et des patients afin de libérer du temps aux radiologues d’intervention, qui pourraient alors se consacrer plus pleinement à l’achat d’immeubles ou de tickets de cricket. La RI évolue tellement rapidement et intègre tellement de nouvelles procédures en permanence que les technologues qui cherchent à s’épanouir au travail sont volontaires pour étendre leur champ d’exercice afin d’aider les patients à recevoir des soins et à bénéficier d’interventions rapidement.
CF: Cette fois, c’est CERTAIN que je m’impliquerai dès le départ pour la mise en place d’une pratique spécialisée en Saskatchewan, et je m’attribuerai alors ma part de mérite pour la réalisation de ce projet.
Merci à Cole et à Jacquie d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Si jamais certains technologues, parmi les lecteurs, souhaitent obtenir des renseignements complémentaires, n’hésitez pas à envoyer un courriel à Cole à cole.frandsen@saskhealthauthority.ca. Il leur faut maintenant retourner au travail, il y a des CCIP à poser!