Pouvez-vous nous raconter votre parcours jusqu’à la radiologie d’intervention (RI) et ce qui vous a donné envie de choisir cette spécialité?

J’ai découvert la RI pendant ma résidence. À la faculté de médecine, j’avais du mal à me décider entre l’imagerie et la chirurgie. J’étais attirée par les spécialités impliquant des interventions, mais j’ai finalement choisi la radiologie en raison de ma passion pour l’imagerie. Je n’ai pas tardé à réaliser que la RI combinait merveilleusement l’imagerie et les interventions, et j’ai commencé à me projeter dans ce domaine.


Comment réussissez-vous à concilier vie professionnelle et vie personnelle dans un domaine aussi exigeant que l’est la radiologie d’intervention?

Il est toujours difficile de concilier vie professionnelle et vie personnelle, quelle que soit la spécialité. Celles qui comprennent une part d’interventions ajoutent un élément d’intensité physique avec de longues journées de travail, pendant lesquelles il faut rester debout longtemps en portant un tablier de plomb, ainsi que les exigences des gardes 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Le télétravail est impossible et les journées peuvent être stressantes. Cependant, l’avantage, c’est que ce travail est rarement ennuyant et plein de défis enthousiasmants. Pour moi, l’équilibre, cela signifie reconnaître que j’ai besoin d’aide pour réussir. La vie, c’est un travail d’équipe, et on a absolument besoin d’être entourée. Je ne peux pas être une mère parfaite toute seule; j’ai besoin du soutien de ma famille et de mes amis, et je n’ai pas peur de demander de l’aide quand j’en ai besoin. Cela s’applique aussi à la pratique de la médecine; on obtient les meilleurs résultats quand on travaille en équipe. Le travail d’équipe nous permet de donner notre maximum tout en préservant notre santé mentale et notre joie de vivre. Quand on essaye de « tout faire » tout seul, cela mène souvent à l’épuisement professionnel.


Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontée en tant que femme en radiologie d’intervention, et comment les avez-vous surmontées?

Quand j’ai choisi de m’orienter vers la RI, j’ai réalisé qu’il y avait très peu de modèles féminins dans ce domaine. En fait, au moment où j’y suis entrée, il n’y avait aucune femme radiologue d’intervention ayant des enfants en milieu universitaire, et je n’étais pas sûre que je pourrais un jour fonder une famille en exerçant cette profession. J’avais beaucoup de questions sur la grossesse, le congé de maternité et l’équilibre travail-famille, notamment pour ce qui est des gardes, et j’obtenais très peu de réponses à l’époque. Au fil de ma carrière, j’ai été confrontée à des défis, en particulier quand j’ai eu des enfants. Je n’ai pas toujours reçu du soutien au travail, mais avec les années, cela s’est amélioré. Les gens sont désormais plus sensibilisés à l’équilibre travail-famille, ce qui a des répercussions positives pour mes collègues plus jeunes. La représentation a une réelle importance : je ne m’étais jamais réellement vue travailler dans ce domaine, mais j’ai imaginé que ce serait possible, et je vois aujourd’hui de nombreuses personnes comme moi partout et j’espère que cela signifie que notre spécialité est plus inclusive, attentionnée et accueillante pour tous. Je ne pense pas que nous avons résolu tous les problèmes, mais nous avons certainement beaucoup progressé.


Comment le paysage de la radiologie d’intervention a-t-il évolué au fil des ans, en particulier en matière de représentation hommes/femmes? 

Au sein de la communauté, je pense que nous avons fait de grandes avancées en matière de parité dans notre domaine. Nous avons encore du chemin à parcourir pour ce qui est de la RI en milieu universitaire, mais je pense que cela s’améliore aussi peu à peu. Les obstacles, une nouvelle fois, se concentrent autour de l’incertitude en matière d’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle (qui est souvent plus facile à atteindre en milieu extra-universitaire), des inquiétudes au sujet de l’effet des rayonnements sur la fertilité et de l’intégration au sein d’une culture dans laquelle les femmes sont minoritaires, mais j’ai bon espoir que nous y arriverons.


Que conseillez-vous aux femmes qui souhaitent entrer dans le domaine de la radiologie d’intervention?

Mon conseil, c’est de faire ce qui vous intéresse. Si vous aimez la RI, vous pouvez réussir, mais il vous faudra être prête à faire des compromis. Il est possible d’aimer son travail, d’avoir une famille et d’être heureuse et accomplie dans ces deux sphères. Faites ce que vous aimez, le reste suivra.


Recommandez-vous de se concentrer sur certaines compétences ou certains domaines de connaissances en particulier pendant la formation en vue d’une carrière en radiologie d’intervention?

Essayez d’explorer tous les aspects de la RI pendant votre résidence pour savoir si ce domaine répond à vos attentes. La RI se fonde sur l’imagerie. C’est là notre super pouvoir, qui nous permet souvent de nous distinguer des prétendants au domaine. La compréhension de l’imagerie représente plus de la moitié de la bataille, alors faites en sorte de devenir une excellente radiologue et mettez à profit ces compétences. Par ailleurs, la dextérité est essentielle, et la RI est exigeante sur le plan physique. Assurez-vous d’être à l’aise avec cet aspect du métier.


Pouvez-vous nous raconter des expériences sur l’intégration de l’intelligence artificielle dans la pratique de la radiologie d’intervention ou nous donner des conseils à ce sujet?? 

L’IA est excellente pour la reconnaissance de motifs et les tâches répétitives. Même si elle peut avoir un rôle à jouer en RI, la plus grande partie de notre travail nécessite de la créativité et de l’adaptabilité, des domaines que l’IA ne maîtrise pas encore. Nous sommes en permanence en train d’inventer de nouvelles façons de pratiquer les interventions existantes, et l’IA n’est pas encore perfectionnée en matière de création novatrice. Notre travail nécessite également de la souplesse; il existe souvent plusieurs approches à un problème, et c’est un autre domaine qui peut être problématique pour l’IA. Il y a cependant des domaines dans lesquels l’IA peut être très utile. On utilise déjà des logiciels pour planifier les zones d’ablation, calculer les doses optimales pour la radioembolisation, cibler les lésions, cartographier et mesurer les vaisseaux sanguins, pour n’en nommer que quelques-uns; grâce à l’IA, ces tâches seront accomplies plus rapidement et plus précisément. En fait, j’ai le sentiment que l’IA nous aidera à obtenir de meilleurs résultats, et même à uniformiser notre travail.


Pouvez-vous nous parler des occasions de réseautage destinées aux femmes en radiologie d’intervention?? 

Je pense que CAIR se démène pour créer des opportunités de réseautage dans sa sphère d’influence, et que les grandes associations d’Amérique du Nord en font autant. À l’échelle locale, il est toujours utile de communiquer avec les personnes qui pourraient nous conseiller. Pour ma part, je suis toujours en contact avec plusieurs de mes anciens étudiants en surspécialisation, dont beaucoup sont des femmes, et j’apprécie beaucoup de les voir établir avec succès leurs propres cabinets. Les mentors n’ont pas nécessairement besoin d’être des femmes, il faut juste que ce soient des alliés, dans le sens où ces personnes créent des environnements inclusifs et solidaires.


En quoi la diversité permet-elle, selon vous, d’améliorer la pratique de la radiologie d’intervention? 

La représentativité est importante. C’est motivant, pour les gens, de se voir occuper des postes auxquels ils aspirent. La diversité d’un environnement de travail favorise l’inclusion et contribue au sentiment d’appartenance. C’est important, non seulement pour nous, les professionnels de la santé, mais aussi pour nos patients. Une équipe de soignants qui reflète la diversité de la communauté que nous desservons améliore le bien-être et la confiance des patients. Cela peut aussi améliorer les résultats obtenus chez les populations marginalisées et leur expérience avec notre système de santé. À mes débuts, mon environnement de travail était moins diversifié, et je me sentais parfois un peu seule. Désormais, la diversité est beaucoup plus importante, et cela a eu un effet positif tant sur notre équipe que sur nos patients. Je souhaite que chaque personne étudiante, quel que soit son genre, son origine ethnique ou sa religion, se sente acceptée et accueillie dans notre domaine.


Comment voyez-vous l’avenir de la radiologie d’intervention, et quelles occasions les femmes du domaine auront, selon vous, à saisir? 

La radiologie d’intervention est en évolution constante, et sa véritable limite, ce n’est que notre imagination qui l’impose. Nous passons désormais à un modèle de résidence indépendante, et cela devrait probablement accélérer la surspécialisation dans des domaines tels que les maladies vasculaires périphériques, la radio-oncologie d’intervention et même la santé des femmes. Les femmes peuvent continuer à élaborer des interventions en santé des femmes, un domaine souvent négligé, même de nos jours. Nos compétences sont utiles dans différents domaines, donc la maîtrise d’un type d’intervention peut se transposer facilement d’un domaine à l’autre. Notre secteur d’activité est hautement créatif et évolue rapidement, les possibilités sont donc illimitées. J’encourage tous les étudiants en surspécialisation à s’orienter selon leurs intérêts, sans s’imposer de limites.


Recommandez-vous certaines associations ou conférences pour le réseautage et le perfectionnement professionnel en radiologie d’intervention? 

CAIR et la SIR ont toutes deux des groupes dédiés aux femmes au sein de leur organisme. Un bon moyen de commencer une prospection professionnelle est d’entrer en contact, localement, avec les résidents, les étudiants en surspécialisation et le personnel enseignant pour trouver des mentors. Efforcez-vous de faire un stage optionnel en RI, de participer à des conférences, à des tournées ou à des clubs de lecture.


Que conseillez-vous aux femmes radiologues d’intervention qui s’orientent vers des postes de responsable dans la spécialité? 

Concentrez vos efforts sur l’acquisition de compétences et l’approfondissement de vos intérêts principaux; par la suite, saisissez les occasions qui se présentent dans votre établissement, qu’il s’agisse d’enseignement, de collaboration avec d’autres spécialités ou d’activités de recherche. Davantage de rôles de leadership suivront sous peu. Les possibilités sont illimitées, mais il est important de prioriser vos intérêts. J’ai eu plus de mal à apprendre à dire non qu’à apprendre à dire oui.


Quels sont les aspects du domaine ou de votre travail que vous n’aimez pas? Quelles sont vos solutions?? 

Il y a un aspect politique dans presque tous les métiers, et même si je n’y ai pas fait très attention au début de ma carrière, j’ai vite réalisé que cet aspect est important, que je le veuille ou non. Soyez attentifs à ces éléments du métier, même s’ils sont déplaisants pour la plupart d’entre nous; ils ont des répercussions sur l’accès aux ressources et, en fin de compte, sur la satisfaction professionnelle.


Vous êtes-vous trouvée confrontée à des stéréotypes ou à des préjugés sur les femmes en radiologie d’intervention, et si oui, comment y répondez-vous? 

Au début de ma formation, on m’a dit que la RI était en réalité un domaine exclusivement masculin et que les femmes du domaine ne souhaitaient pas fonder de famille à cause de l’exposition aux rayonnements et du très mauvais équilibre vie professionnelle/vie personnelle. J’ai vite réalisé que c’était complètement faux et que non seulement il y avait des femmes dans ce domaine, mais aussi que certaines avaient des enfants, et que la plupart d’entre elles s’efforçaient d’avoir un bon équilibre travail-famille. J’ai réalisé que la protection contre les rayonnements était excellente et que je n’avais pas à sacrifier mon désir d’être mère pour pouvoir être radiologue d’intervention. Avec le temps, davantage de femmes sont entrées dans le domaine, et je pense que ce stéréotype a été brisé.


Comment agissez-vous si vous êtes la seule femme dans un environnement professionnel, et quel conseil donneriez-vous à celles qui se retrouvent dans une telle situation?? 

Au début de ma carrière, j’ai souvent été l’une des rares femmes dans ce domaine (et souvent la seule femme de couleur présente), mais avec le temps, cette situation est heureusement devenue très rare. Quand on est seule représentante d’une catégorie de la population, la plupart du temps, les autres font en sorte de vous inclure, mais le risque d’être ostracisé ou de subir des microagressions existe. En fait, j’ai été témoin de comportements indélicats à l’endroit de patients dans ce type de situation. Et c’est là le véritable danger du manque de diversité. Ce manque a des répercussions sur nous, en tant que professionnels de la santé, mais souvent, les répercussions sont encore plus importantes pour nos patients. Heureusement, ces situations se font rares de nos jours. Je pense qu’il est important de rester calme en toutes circonstances et de ne pas laisser les propos déplaisants vous ébranler. Selon moi, c’est la raison pour laquelle il est si important d’avoir des alliés : en effet, si vous travaillez dans un milieu solidaire, même si vous êtes la seule femme, ou peut-être la seule personne de couleur, certaines personnes vous mettront à l’aise. Soyez confiante, ouverte et accueillante, et avec un peu de chance, les autres vous témoigneront ces sentiments en retour.


Que pourraient faire les femmes pour favoriser le soutien et la collaboration dans le domaine de la radiologie d’intervention? 

Nous faisons de notre mieux pour aider nos collègues et leur apporter notre soutien, parce que cela facilite la vie à tout le monde. Parlez à vos collègues pour savoir comment elles vont, et demandez-leur si elles aiment le travail. S’il y a des problèmes, réfléchissez-y ensemble pour voir si vous pouvez trouver une solution à l’amiable. Assurez-vous que vos partenaires ont le soutien dont elles ont besoin pour être heureuses dans leur travail. Un environnement de travail convivial et chaleureux, cela n’a pas de prix.


Comment réussissez-vous à trouver un équilibre entre les exigences de la radiologie d’intervention et les responsabilités familiales, et quel conseil avez-vous pour les femmes qui souhaitent atteindre un tel équilibre?  

Assurez-vous d’avoir le soutien d’une équipe chaleureuse et aimante. Cela s’applique à votre famille, à vos amis et à vos collègues. Lors de votre recherche d’emploi, assurez-vous que les collègues avec lesquels vous travaillerez comprennent les défis de l’éducation des enfants et qu’il y a une volonté de travailler en collégialité pour s’assurer que chacun puisse assumer ses responsabilités, tant au travail qu’à la maison. L’éducation des enfants et la RI sont deux sports d’équipe, donc n’ayez pas peur de demander de l’aide. Il vous faudra faire des essais et des erreurs pour trouver votre équilibre, mais vous le trouverez en persévérant.


Pouvez-vous nous parler d’initiatives ou de projets dans lesquels vous vous êtes impliquée dans le but de remédier à la disparité hommes/femmes ou d’améliorer la représentation des femmes en radiologie d’intervention? 

J’ai mentoré des femmes à tous les stades de leur carrière, des études de médecine à la surspécialisation, et je reste à leur disposition pour leur offrir mon aide tout au long de leur carrière. Je reste en contact avec bon nombre de mes anciens étudiants en surspécialisation, hommes et femmes, et j’aime les voir réussir. Pour moi, le mentorat est un investissement à long terme pour créer une communauté plus diversifiée en RI. En aidant les autres, nous bâtissons un domaine plus fort et plus inclusif pour les prochaines générations.