Dre. Charlotte Yong-Hing

Au Canada, chacun a le droit fondamental d’être protégé contre toute forme de discrimination et tout préjugé. En faisant la promotion de l’équité et de la diversité en médecine, on favorise la mise en place d’une culture professionnelle et de formation juste qui se nourrit des divers points de vue présents, reflète la diversité de la population desservie par les médecins et encourage l’excellence professionnelle et la responsabilité sociale. Des données probantes montrent que quand on atteint l’équité et la diversité en médecine, les soins reçus par les patients sont de meilleure qualité et le système de santé est plus réactif et adaptatif.

Étant donné la mission de CAIR, qui est d’améliorer la santé et la qualité de vie au Canada, nous avons pensé qu’il était temps de parler d’équité, de diversité et d’inclusion en radiologie (d’intervention).

Nous nous sommes entretenus avec la Dre Charlotte Yong-Hing, professeure adjointe d’enseignement clinique en radiologie à l’Université de la Colombie-Britannique, directrice médicale de l’imagerie mammaire au centre de soins BC Cancer de Vancouver, présidente désignée de la BC Radiological Society et présidente désignée de la Société canadienne de l’imagerie mammaire. La Dre Yong-Hing est également co-présidente du comité d’équité, de diversité et d’inclusion en radiologie de l’UBC ainsi que présidente du groupe de travail sur l’équité, la diversité et l’inclusion de l’Association canadienne des radiologistes. Elle a fondé le groupe Canadian Radiology Women en 2018 afin de promouvoir une plus grande diversité au sein des cabinets de radiologie du Canada. Et le plus important : elle est originaire de la Saskatchewan. 🙂 Nous la remercions d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.


CAIR : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi l’existence de groupes sur l’équité, la diversité et l’inclusion en radiologie (d’intervention) est nécessaire?

CYH : La radiologie est l’une des spécialités de la médecine qui présente le moins de diversité en matière de genres et d’origines ethniques. Nous savons que les patients reçoivent des soins de meilleure qualité quand le corps médical reflète la diversité de la population dans son ensemble. Selon de nombreuses études menées dans l’industrie et le milieu médical, une plus grande diversité favorise l’innovation et l’obtention de meilleurs résultats.

En matière de genre particulièrement, l’augmentation de la place des femmes en médecine entraîne des effets positifs importants et documentés sur la culture et la pratique en milieu médical, la qualité des soins et l’organisation du système de santé, ce qui a des répercussions positives pour les patients, les étudiants et le système lui-même.

Au Canada, les femmes représentent actuellement plus de la moitié des étudiants en médecine, mais elles sont toujours sous-représentées en radiologie. La proportion de femmes radiologues a très peu changé depuis des décennies, et les tendances actuelles en matière d’orientation portent à croire que cette proportion de femmes en radiologie pourrait même diminuer.

Par ailleurs, dans l’ensemble du pays, les femmes sont extrêmement peu nombreuses à occuper des postes de direction en politique, dans les universités et dans les services de radiologie. Ainsi, les femmes représentent 36 % du corps professoral en radiologie au Canada. En radiologie, les disparités hommes-femmes augmentent avec le rang professoral, ce qui porte à croire que la carrière des femmes n’évolue pas au même rythme que celle des hommes dans le milieu universitaire ou professionnel. De plus, les disparités de salaire établies entre les genres pourraient entraîner des différences financières à la retraite et sur l’ensemble de la vie pouvant atteindre 2,5 millions de dollars.

Selon le recensement de 2016, au Canada, une personne sur cinq fait partie d’une minorité visible. Nous savons que les minorités sous-représentées en médecine au Canada comprennent notamment les personnes issues des Premières Nations (4,4 %) et les personnes noires (2,9 %). On ne dispose cependant pas de chiffres concernant la diversité ethnique en radiologie au Canada. Tout cela a une importance, parce que la représentation raciale/ethnique au sein des facultés de médecine et des programmes de résidence devrait être le reflet de la population desservie. Les minorités visibles sont davantage susceptibles d’exercer auprès de populations mal desservies appartenant à des minorités. Quand les patients et les médecins ont la même origine ethnique, on constate une amélioration de la satisfaction globale des patients et de leur respect des recommandations médicales. L’origine ethnique des médecins est le principal facteur indicatif qu’un médecin prendra davantage soin de communautés plus vulnérables et mal desservies, quel que soit son statut socioéconomique.

La Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié en 2015 un rapport comprenant un certain nombre d’appels à l’action afin d’augmenter le nombre de travailleurs de la santé autochtones. Bien que les facultés de médecine collectent des données sur l’admission des étudiants autochtones au premier cycle universitaire, on manque de données en la matière sur les programmes de résidence et les postes d’enseignement; par ailleurs, on ne dispose d’aucune donnée sur la présence de personnes autochtones en radiologie au Canada. Pour avancer vers l’équité et une représentation adéquate des Autochtones, il est nécessaire de commencer par relever des données sur les résidents, les membres du corps enseignant et les médecins communautaires autochtones.

CAIR : Que peuvent faire les radiologues (d’intervention) afin de favoriser la diversité et de combattre les inégalités au Canada?

CYH : Selon un sondage informel mené au Canada auprès de femmes radiologues et étudiantes en radiologie, il existe de nombreux obstacles, qu’ils soient réels ou perçus, à la réussite personnelle, professionnelle et universitaire en tant que femme radiologue au Canada. Parmi les obstacles mentionnés, on compte le manque d’exposition à la radiologie en début de formation, l’observation de disparités hommes-femmes, le manque de mentorat effectué par des femmes en radiologie et le manque de femmes radiologues dans des postes de direction. Même si certains de ces obstacles sont généraux et pourraient s’appliquer aux femmes et aux hommes ainsi qu’à d’autres minorités sous-représentées, tous les obstacles pourraient être éliminés par l’augmentation de l’implication et de la visibilité des femmes exerçant déjà en radiologie.

En effet, l’augmentation de la visibilité des minorités en radiologie, tant en ligne que dans la vie réelle, permettrait d’augmenter l’exposition des étudiants en médecine à ce domaine. Comme cela a été montré de manière répétée, la pandémie de COVID-19 a notamment eu des répercussions disproportionnées sur les femmes. Nous avons besoin de mettre en place des stratégies proactives de soutien, de mentorat et de parrainage de jeunes femmes radiologues.

CAIR : Que peuvent faire les radiologues (d’intervention) afin de promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion dans leur pratique?

CYH: En tant que radiologue, vous pouvez améliorer l’équité, la diversité et l’inclusion en radiologie. Reconnaissez le manque de diversité au sein du domaine et informez-vous au sujet des causes de ce manque de diversité et de ce qu’il est possible de faire pour y remédier. Prenez conscience de vos préjugés involontaires et réduisez-les dans votre vie quotidienne. Effectuez du mentorat ou du parrainage et mettez vos pairs et vos stagiaires en lumière.

CAIR : Comment repérer les disparités systémiques en radiologie (d’intervention) et quelles stratégies est-il possible d’utiliser afin de les éliminer?

CYH Bien que les femmes soient sous-représentées en radiologie en général, la radiologie d’intervention (RI) est la surspécialité de radiologie présentant la plus faible représentation de femmes au Canada (10,6 %). En imagerie mammaire et pédiatrique, qui comportent d’importantes interactions directes avec les patients, les femmes sont pourtant bien représentées, mais plusieurs autres facteurs potentiels pouvant dissuader les femmes de s’orienter vers cette surspécialité ont été repérés. Parmi eux, on peut noter le manque de souplesse en matière d’horaires ainsi que la forte exposition aux rayonnements. Cependant, le risque d’exposition aux rayonnements pendant la grossesse a été surestimé et exagéré. À notre connaissance, il n’existe pas de consensus clair, de protocole ou de lignes directrices au sujet des femmes enceintes en RI.

CAIR : Selon vous, à quoi est dû le manque flagrant de diversité en radiologie d’intervention, et quelles actions sont en cours ou pourraient être lancées de la part des programmes de formation et des associations afin de contrer cette sous-représentation?

CYH : Au Canada, il est nécessaire de se doter de stratégies visant à améliorer la diversité en radiologie d’intervention non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle gouvernementale, régionale et individuelle. Les organismes nationaux peuvent devenir des chefs de file en matière d’amélioration de la situation, au travers d’actions de sensibilisation et de modifications de politiques. Je suis fière de la BC Radiological Society, car nous avons davantage de femmes que d’hommes au sein de notre équipe de direction. Cependant, certains organismes de radiologie provinciaux n’ont aucune femme dans leur équipe de direction. Les programmes de formation et les associations devraient volontairement créer des équipes présentant une certaine diversité. Cherchez des gens qui verront les choses différemment. Soutenez les jeunes membres de votre équipe et donnez-leur la chance de progresser et de se perfectionner. Résistez à la tentation de catégoriser les gens et de cocher des cases.

En résumé, la diversité est bonne pour les patients. Les femmes sont sous-représentées en radiologie au Canada, et en particulier en radiologie d’intervention. On ne dispose cependant pas de chiffres concernant la diversité ethnique ou la représentation autochtone en radiologie au Canada. Des stratégies pratiques existent à tous les échelons afin d’améliorer l’équité, la diversité et l’inclusion en radiologie au Canada.