Pouvez-vous nous raconter votre parcours jusqu’à la radiologie d’intervention et ce qui vous a donné envie de choisir cette spécialité?
Quand j’ai commencé mes études de médecine, j’étais déterminée à devenir technicienne spécialisée et à travailler de mes mains. À l’origine, j’étais attirée par l’oto-rhino-laryngologie en raison de mon intérêt pour l’anatomie et de ma capacité à travailler avec des structures complexes. Cependant, après plusieurs stages optionnels, j’ai réalisé que cette spécialité ne me convenait pas. Par contre, quand j’ai pris part au comité de traitement du cancer de la tête et du cou, le rôle prépondérant du radiologue a forcé mon admiration. J’ai eu la chance d’aller en radiologie, et c’est lors d’un stage de résidence en radiologie d’intervention (RI) que j’ai eu le déclic : j’ai réalisé que la RI représentait le compromis parfait entre la forte technicité des interventions chirurgicales et leur caractère minimalement invasif, tout en ayant des répercussions immenses sur les patients. J’y ai rapidement trouvé ma vocation et j’ai le privilège de travailler dans ce domaine depuis.
Comment réussissez-vous à concilier vie professionnelle et vie personnelle dans un domaine aussi exigeant que l’est la radiologie d’intervention?
La radiologie d’intervention est une spécialité intense, mais qui permet aussi beaucoup de souplesse. À moins qu’ils ne le souhaitent pas, les radiologues d’intervention effectuent encore pas mal de radiologie diagnostique dans leur travail. Je travaille au sein d’un groupe qui effectue autant de radiologie d’intervention que de radiologie diagnostique. C’est parfait pour profiter d’un rythme de travail et d’une diversité clinique différents entre deux journées occupées et parfois exigeantes de RI. Comme les radiologues d’intervention ont des connaissances dans ces deux domaines, ils sont idéalement placés pour ajuster l’intensité de leur travail en fonction des exigences de leur vie personnelle du moment. Il est aussi possible d’exercer la radiologie d’intervention de différentes façons : pratique universitaire, communautaire, consultations externes ou pratique privée. On peut être radiologue d’intervention de bien des façons. C’est la raison pour laquelle j’estime que parmi toutes les autres spécialités impliquant des interventions, la radiologie d’intervention est probablement celle qui permet de gérer les exigences professionnelles avec le plus de souplesse.
J’ai récemment terminé ma formation et commencé à travailler dans un hôpital de soins tertiaires qui traite une grande diversité de cas complexes et d’urgences. Quand vient le temps de choisir un lieu de travail, il est particulièrement important de se sentir soutenue dans son environnement professionnel. Quand on sort de surspécialisation, on ne sait pas tout de la radiologie d’intervention, et on n’arrête jamais d’apprendre dans ce domaine en évolution constante. Pour être satisfait professionnellement parlant et avoir envie de rester dans ce domaine, il est essentiel de pouvoir compter sur des collègues pour nous épauler lors de la gestion d’un cas complexe ou de l’apprentissage d’une nouvelle technique. Même si ce travail est exigeant, tout se passe bien mieux quand on travaille en équipe avec des collègues qu’on apprécie.
Comme je suis en début de carrière, j’aime avoir un emploi du temps bien rempli. Même si je comprends bien qu’à long terme, il n’est pas idéal de travailler trop, je sais que l’épuisement professionnel est un véritable problème et quand je ne suis pas au travail, je fais un effort conscient pour me déconnecter et prendre soin de moi en sortant avec des amis, en faisant de l’exercice ou en cuisinant des repas sains, notamment.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontée en tant que femme en radiologie d’intervention, et comment les avez-vous surmontées??
Personnellement, je me suis débattue avec le syndrome de l’imposteur, en particulier quand j’étais stagiaire et en tout début de carrière. De façon générale, j’ai le sentiment que dans les domaines principalement masculins comme la chirurgie, les femmes ont tendance à sous-évaluer leurs compétences même si elles sont égales, voire même meilleures que celles de leurs collègues masculins. Lors de ma formation, j’ai constaté que je devais avoir effectué une intervention de façon indépendante un certain nombre de fois et pris le temps de consulter la littérature à son sujet avant de considérer que j’étais compétente. D’autres personnes peuvent, quant à elles, se sentir à l’aise après avoir pratiqué une intervention seulement quelques fois. On m’a aussi souvent dit que j’étais « trop timide » alors que je préfère tout simplement m’adresser aux patients et à mes collègues de façon douce. Avec le temps, comme mon équipe commençait à mieux me connaître, j’ai réalisé que mon approche plus douce n’était pas nécessairement une faiblesse, mais plutôt une qualité très appréciée susceptible de favoriser des relations plus étroites avec mon équipe de soutien de radiologie d’intervention et avec mes patients.
Comment le paysage de la radiologie d’intervention a-t-il évolué au fil des ans, en particulier en matière de représentation hommes/femmes?
Je trouve que la radiologie, et en particulier la radiologie d’intervention, est un domaine qui a évolué en matière de disparité hommes/femmes pendant ma formation et mes premières années de pratique privée. Quand j’ai commencé à m’intéresser à la radiologie d’intervention pendant ma résidence, mes superviseurs en RI sont passés de la surprise initiale à une attitude d’encouragement et de soutien à mon égard pour s’assurer que j’aie les meilleures chances de réussite. Lors du dépôt de ma candidature en surspécialisation, je n’ai pas eu l’impression que le fait d’être une femme m’a porté quelque préjudice que ce soit. Comme j’ai récemment été en recherche d’emploi, j’ai aussi été agréablement surprise de voir que les groupes de radiologie cherchent activement à réduire la disparité hommes/femmes, et j’ai rapidement trouvé un poste qui correspondait à mes attentes. Jusqu’à maintenant, mon expérience de femme radiologue d’intervention a été globalement positive et je crois que le domaine de la radiologie d’intervention est prêt à accueillir davantage de femmes. J’encourage toute personne que ce domaine intéresse à s’y lancer avec confiance.
En quoi la diversité permet-elle, selon vous, d’améliorer la pratique de la radiologie d’intervention
Les femmes radiologues d’intervention ont bien des choses à apporter à ce domaine. Un champ de plus en plus important cible les problèmes de santé des femmes, comme l’embolisation de fibromes utérins, le traitement du syndrome de congestion pelvienne ou des varices et les thérapies ciblées du cancer du sein. Les femmes radiologues d’intervention ont donc de plus en plus l’occasion de s’intéresser plus particulièrement aux problèmes de santé des femmes afin de mieux comprendre et traiter les besoins uniques de cette population. Une équipe de radiologie d’intervention plus diverse sera également mieux à même de repérer les variations de résultats selon le genre et les antécédents des personnes traitées, ce qui améliorera le confort du patient, sa satisfaction, mais aussi la communication. Les femmes en RI peuvent servir d’exemple et de mentores aux autres femmes qui aspirent à devenir radiologues d’intervention. En ce qui me concerne, ma carrière n’aurait pas été la même sans le mentorat des femmes radiologues d’intervention qui m’ont soutenue tout au long de mon parcours dans ce domaine. La représentation et le mentorat sont essentiels pour encourager davantage de femmes à faire carrière en RI et les soutenir dans leur perfectionnement professionnel
Recommandez-vous certaines associations ou conférences pour le réseautage et le perfectionnement professionnel en radiologie d’intervention?
Chaque année, je me fais une joie d’assister au Congrès scientifique annuel de CAIR. Pendant ma formation, j’ai eu plus d’une fois l’occasion d’y assister gratuitement et de participer à la journée des étudiants, et cette expérience m’a beaucoup plu à chaque fois. C’est l’occasion de rencontrer d’autres étudiants qui vivent la même expérience que vous, des radiologues d’intervention issus de différents établissements du Canada et de côtoyer les géants du domaine qui ont tant à nous apprendre. Le domaine de la radiologie d’intervention au Canada est un groupe tricoté serré, et il n’y a rien de mieux pour rencontrer des gens que de venir au Congrès scientifique annuel. Vous pouvez aussi envisager d’assister aux congrès de la Society of Interventional Radiology (SIR) et de la Cardiovascular Interventional Radiological Society of Europe (CIRSE) pour réseauter et trouver des sources d’inspirationt.
Que conseillez-vous aux femmes qui souhaitent entrer dans le domaine de la radiologie d’intervention?
Si vous êtes intéressée par la RI, je vous conseille de saisir toutes les occasions de vous exposer à ce domaine pendant vos études de médecine et votre résidence, afin de vérifier si c’est la spécialisation qui vous convient. Pendant les études de médecine, il n’y a pas forcément beaucoup de stages cliniques en RI, mais ne vous laissez pas décourager et continuez à tenter de vous exposer à la RI à l’école et à l’extérieur. Ce pourrait bien être le domaine le plus extraordinaire que vous ayez jamais vu. Une fois que vous êtes convaincue que c’est votre vocation, ne vous laissez pas décourager par la disparité hommes/femmes. Le domaine de la radiologie d’intervention est prêt à accepter davantage de femmes et vous serez surprise de trouver de nombreux mentors pour vous épauler sur votre parcours. L’intensité du travail d’un radiologue d’intervention peut sembler intimidante, mais il existe de nombreux moyens de créer une pratique de la RI qui vous conviendra et vous permettra d’avoir une carrière durable et enrichissante. Ayez confiance en vous et sachez que vous avez toutes les capacités nécessaires, même si cela peut parfois sembler difficile. Vous aurez de bons et de mauvais jours. En réalité, il vous arrivera de subir des échecs, une intervention qui ne se déroule pas comme vous l’auriez souhaité ou une complication que vous auriez voulu avoir prévue. Sachez que vous n’êtes pas la seule à qui cela arrive, et que ces expériences sont indispensables pour faire de vous un meilleur médecin.