Pouvez-vous nous raconter votre parcours jusqu’à la radiologie d’intervention (RI) et ce qui vous a donné envie de choisir cette spécialité?

J’ai toujours été attirée par une des spécialités de chirurgie, et forte de mon diplôme de premier cycle en neurosciences, je pensais aller en neurochirurgie. Je me suis donc inscrite à un stage d’été en recherche me permettant d’observer les médecins dans leur pratique clinique ainsi qu’au bloc opératoire. Lors du traitement d’un cas particulier, je me rappelle avoir vu du tissu cérébral dans la canule d’aspiration Yankauer et avoir pensé « voilà quelque chose que je ne connais pas… Existe-t-il autre chose qui nécessiterait davantage de finesse? » Pendant mon stage de radiologie, lors de mes études de médecine, l’un des professeurs a suggéré que je passe davantage de temps en radiologie d’intervention, puisqu’il connaissait mon affinité pour la chirurgie. Il ne m’a fallu que quelques passages en salle de RI pour réaliser que ce domaine était fait pour moi : les complexités de la chirurgie, avec le degré de finesse que je souhaitais. Et c’est comme ça que j’ai fait mon entrée dans ce domaine. J’ai effectué ma résidence en radiologie à l’USC (University of Southern California) et j’y ai trouvé ma communauté et mon sentiment d’appartenance. La RI est véritablement un sport d’équipe, et j’ai eu un groupe formidable de mentors : la Dre Sue Hanks, la Dre Vicki Marx, le Dr Michael Katz et le Dr Donald Harrell. En eux, j’ai vu une équipe de haut niveau fournissant des soins d’excellente qualité tout en y prenant plaisir, et je me suis vue avoir une telle carrière. C’est par un heureux hasard que je suis devenue radio-oncologue d’intervention; mon conjoint est oncologue médical, et les années de formation en médecine interne/oncologie et radiologie n’étaient pas tout à fait les mêmes. Il a été jumelé à Houston en premier, et je l’ai rejoint après avoir fini ma dernière année à l’USC. Pendant ma surspécialisation au MD Anderson, j’ai bénéficié des conseils du Dr Marshall Hicks, du Dr Michael Wallace, du Dr Sanjay Gupta et du Dr Steve McRae. Ils m’ont donné mon premier emploi, et on connaît la suite : cela fait près de 20 ans que nous sommes à Houston!


Comment le paysage de la radiologie d’intervention a-t-il évolué au fil des ans, en particulier en matière de représentation hommes/femmes?

Selon moi, la plus grande évolution en RI pendant ma carrière a été notre désignation en tant que spécialité principale en médecine aux États-Unis. Il s’agit là d’une reconnaissance de nos compétences particulières en matière de soins cliniques et d’interventions guidées par l’imagerie. Faire partie des trente-sept spécialités médicales principales aux États-Unis signifie qu’un étudiant peut choisir de faire carrière en RI directement après l’obtention de son diplôme de médecine, alors qu’auparavant, la RI était une surspécialisation effectuée à la suite d’une résidence en radiologie diagnostique. Cela démontre que nous avons officiellement quitté le sous-sol des « médecins spéciaux », et qu’être radiologue d’intervention n’est plus synonyme d’être « procéduraliste » : nous sommes des cliniciens qui offrons des soins longitudinaux et des traitements guidés par imagerie aux patients dont l’état de santé se situe sur un large spectre. Partout dans le monde, on constate une tendance à l’évolution de la radiologie d’intervention vers un statut de surspécialité ou de spécialité. De plus, cela nous permet d’avoir accès à un bassin d’étudiants en médecine où les hommes et les femmes sont également représentés, au lieu d’avoir à recruter parmi les résidents en radiologie, qui ont tendance à être en majorité des hommes. Au cours des dix à quinze dernières années, j’ai constaté un effort concerté pour attirer davantage de femmes dans le domaine, en commençant par des efforts pour expliquer aux étudiants en médecine et aux résidents ce à quoi pourrait ressembler une carrière en RI pour eux. Ce n’est que maintenant que l’on constate les effets de ces efforts, puisque le nombre de femmes empruntant le chemin d’une résidence en RI a radicalement augmenté. J’espère non seulement que ces efforts se poursuivront en faculté de médecine, mais aussi que nous mettrons en place des systèmes de soutien robustes pour que l’augmentation du nombre de femmes à l’entrée se traduise par une représentation soutenue et durable parmi le personnel de RI.


Comment réussissez-vous à concilier vie professionnelle et vie personnelle dans un domaine aussi exigeant que l’est la radiologie d’intervention?

Avant de réussir à concilier quoi que ce soit, il est important de connaître ses propres priorités. On peut aussi s’attendre à ce que l’on ait des objectifs ambitieux tant dans notre vie personnelle que dans notre carrière professionnelle, mais il est important de reconnaître qu’il n’est pas nécessaire d’atteindre tous ces objectifs au même moment. Dans mon cas, avoir un conjoint solidaire a été l’élément central qui m’a permis d’explorer différents aspects de ma carrière de radiologue d’intervention et de chef de file universitaire. Nous avons notamment tenté de prendre notre souper en famille tous les soirs de la semaine, ce qui, selon les dires de notre fils adolescent, est inhabituel par rapport aux familles de ses amis. J’essaye aussi de garder en tête que les choses ne sont jamais parfaitement équilibrées… Certains jours seront meilleurs que d’autres.


Que conseillez-vous aux femmes qui souhaitent entrer dans le domaine de la radiologie d’intervention?

Faites-le! C’est une excellente spécialité. Quelle que soit la carrière choisie, le meilleur conseil que je puisse leur donner, c’est d’être en mesure de définir ce que la réussite signifie pour elles. Cette définition pourra changer et le fera avec le temps, mais « savoir », à un moment donné, ce qui est important et qui a du sens pour vous à ce moment précis de votre carrière est la clé pour vous épanouir dans votre travail. Faites vos recherches pour trouver des exemples qui correspondent aux objectifs professionnels que vous essayez d’atteindre. Prenez le temps d’explorer et de tisser des liens avec les radiologues d’intervention qui n’exercent peut-être pas de façon classique en milieu universitaire ou en pratique privée. Ce qu’il y a de bien avec la RI, c’est qu’il y a tellement de domaines dans lesquels se concentrer (neurologie, pédiatrie, santé féminine, oncologie, santé vasculaire) qu’un grand nombre d’options s’offrent à vous selon vos intérêts cliniques et votre charge de travail au quotidien.


Pouvez-vous nous parler des occasions de réseautage destinées aux femmes en radiologie d’intervention?

Nous vivons dans un monde très connecté, et la radiologie d’intervention est encore une spécialité d’assez petite envergure. Même si les congrès sont d’excellents moyens d’avoir des interactions en personne et de participer à des activités de réseautage, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des liens tissés par voie « électronique » (courriels, messages texte, messages personnels, zoom…). À de nombreuses reprises durant ma carrière, j’ai consulté des experts pour leur demander des conseils sur un cas ou une question de recherche. Vous serez surpris de constater qu’en grande majorité, les gens sont prêts et heureux de consacrer un peu de leur temps pour répondre à une question ou aider à résoudre un problème. Dans mon cas, cela a débouché à la fois sur des collaborations universitaires et sur des amitiés durables


Que conseillez-vous aux femmes radiologues d’intervention qui s’orientent vers des postes de responsable dans la spécialité?

Tout d’abord, je crois fermement que « les occasions se multiplient quand on les saisit », sous réserve que l’on soit en mesure de démontrer notre réussite pour les occasions que l’on saisit. Ensuite, il faut accepter que tout n’aille pas nécessairement dans notre sens, et c’est bien comme ça; une autre occasion se présentera. Troisièmement, j’ai trouvé qu’il était utile d’être observatrice; cherchez des modèles parmi les leaders établis et émergents : comment ont-ils réussi ou pas, quel style de leadership vous correspond le mieux? Enfin, lisez. La dernière fois que j’ai vérifié, le leadership ne faisait pas partie des cours obligatoires, tant en école de médecine que pendant la résidence, mais il existe de nombreuses approches et une énorme quantité de livres sur le sujet. De la même manière que pendant ma résidence, je devais me documenter sur le traitement d’un patient pour une intervention particulière de RI, les personnes qui souhaitent prendre des responsabilités se doivent aussi de se documenter à ce sujet.