Le Dr Virani a grandi dans la région de Toronto et effectué ses études de premier cycle et ses études supérieures à l’Université Western. Il est revenu à Toronto pour ses études de médecine avant de s’aventurer à l’Est pour une résidence en radiologie diagnostique à l’Université Dalhousie d’Halifax. Le Dr Virani a passé les deux dernières années à l’Université Emory d’Atlanta, en Géorgie, afin de se former à la radiologie d’intervention. Il a hâte de retourner chez lui au Canada pour passer du temps en famille et voyager un peu. Le Dr Virani va effectuer des remplacements dans tout le pays. Son objectif? se joindre à un cabinet de radiologie ayant un volet de radiologie d’intervention axé sur l’innovation pour améliorer les soins aux patients en repoussant les limites de la pratique actuelle.
Pourquoi avoir choisi d’effectuer une surspécialisation aux États-Unis?
J’ai toujours eu envie d’effectuer une partie de ma formation aux États-Unis, pour voir comment les choses se faisaient au sud de la frontière. J’en ai eu l’occasion lors de mes études de médecine et de ma résidence, mais à l’époque, pour différentes raisons, j’ai choisi de rester au Canada, et j’ai vécu des expériences formidables lors de ma formation à Toronto et Halifax. La surspécialisation représentait donc ma dernière chance de me former aux États-Unis.
Quel a été le processus d’entrevue et de décision?
À la différence de ce qui se fait au Canada, aux États-Unis, les programmes de formation de surspécialisation peuvent encore prendre part à un processus de jumelage lors de la sélection des candidats. Pour la radiologie, les surspécialisations en radiologie d’intervention, neuroradiologie, imagerie musculosquelettique et imagerie du sein prennent part à un jumelage effectué par le National Residency Match Program. Donc, juste quand je pensais en avoir fini avec les matinées extrêmement angoissantes de « cliquer sur un bouton de souris pour déterminer mon avenir », eh bien non.
Comme c’est le cas pour le Service canadien de jumelage des résidents, j’ai donc dû envoyer à la base de données centrale de jumelage l’habituelle fournée de documents : lettres de motivation, CV et lettres de recommandation. Comme je savais que je voulais au moins garder la possibilité d’effectuer une surspécialisation aux États-Unis, j’avais passé les trois étapes de l’examen de licence médicale des États-Unis (United States Medical Licensing Examinations) pendant mes études de médecine et ma première année de résidence. Je ne sais toujours pas à ce jour si ces examens étaient nécessaires pour le programme de radiologie d’intervention de l’Université Emory, mais je ne voulais pas que cet élément m’empêche de bénéficier d’une excellente expérience de formation.
J’ai déposé ma candidature auprès de dix programmes de radiologie d’intervention d’un bout à l’autre des États-Unis. Je savais que la compétition était rude pour les programmes de surspécialisation en radiologie d’intervention l’année de ma candidature, mais je n’avais pas vraiment réalisé à quel point. Un seul établissement des États-Unis, l’Université Emory d’Atlanta, en Géorgie, m’a accordé une entrevue.
J’ai pris l’avion pour passer cette entrevue sans trop savoir à quoi m’attendre. J’ai immédiatement été impressionné par l’infrastructure du campus universitaire et hospitalier. Le jour de mon entrevue, j’ai rencontré les autres candidats puis assisté à une brève réunion de groupe avec le nouveau directeur du programme, le Dr Bill Majdalany, qui venait de l’Université du Michigan pour occuper le poste de directeur de programme à Emory. La même journée, j’ai ensuite passé quatre entrevues individuelles avec différents membres du corps professoral d’Emory. Avant que j’aie eu le temps de le réaliser, ma journée d’entrevue était terminée et j’étais dans un avion que me ramenait à Halifax.
Quelques semaines après, alors que j’assistais au cours bien connu de l’American Institute for Radiological Pathology (AIRP), j’ai reçu un courriel du Dr Majdalany qui me demandait si je comptais assister au congrès annuel de la Society of Interventional Radiology (SIR), qui se tenait seulement quelques semaines plus tard. Je n’avais pas prévu d’y assister, puisque j’étais déjà à l’AIRP et que j’avais plusieurs obligations cliniques de résident qui m’attendaient à Dalhousie. Je savais cependant que ce serait dans mon intérêt de passer plus de temps en face à face avec le personnel d’Emory, et en particulier avec le directeur du programme de formation. J’ai donc décidé de prendre l’avion pour Austin, au Texas, afin de passer deux jours au congrès de la SIR, séjour durant lequel j’ai déjeuné avec le Dr Majdalany (potentiellement le déjeuner le plus important de ma vie à ce jour!). Sans révéler les détails de notre conversation, je peux vous assurer que durant mon vol de retour, je savais que mon destin était d’aller à Emory.
Plusieurs mois plus tard, pendant l’été 2019, j’ai une nouvelle fois dû faire ce clic de souris… Vous connaissez la suite.
Pourquoi Emory?
Par où commencer? Je pense que l’unicité d’Emory réside dans le fait qu’il s’agit de l’une des rares universités du pays à proposer une expérience de surspécialisation en radiologie d’intervention presque exhaustive. Comme il s’agit du plus important système hospitalier de l’État de Géorgie, la majorité des cas complexes y sont traités, et le bassin versant ne s’arrête pas aux frontières de l’État : nous traitons en effet des patients de Floride, de Caroline du Sud, d’Alabama et même au-delà, y compris des patients venus de lointains pays étrangers. C’est tout d’abord dans le département que réside la force du programme de surspécialisation en RI : il comprend en effet le plus important effectif de radiologues d’intervention du pays, et notamment d’anciens présidents de la SIR ayant des expériences d’enseignement vraiment d’un bout à l’autre du pays, qui ont soif de transmettre leurs connaissances. Emory est un centre de transplantation et d’oncologie de pointe qui appuie également l’un des hôpitaux de traumatologie les plus occupés du pays. Nous effectuons aussi des rotations dans les hôpitaux pour enfants d’Atlanta, ce qui nous donne le privilège d’apprendre des techniques et d’acquérir des compétences novatrices en radiologie d’intervention dans un centre pédiatrique quaternaire. Cela dit, le plus important selon moi, c’est que dès le premier jour de la suspécialisation à Emory, on insiste sur l’importance de la formation clinique pour devenir un radiologue d’intervention accompli. Dans ce domaine en évolution constante, à Emory on insiste sur la nature consultative de la spécialité de RI et on apprend à l’étudiant en surspécialisation à prendre en charge le patient de façon responsable avant, pendant et après l’intervention.
Quel est le déroulement d’une journée type en surspécialisation?
Mon réveil sonne à 4 h 30 du matin. J’arrive à l’hôpital avant 6 h. Selon le site hospitalier auquel je suis affecté, je peux me trouver ou non en compagnie de collègues en surspécialisation (nous sommes 7 au total, répartis sur les 5 sites hospitaliers). Nous faisons la tournée des patients hospitalisés et notons les progrès journaliers accomplis. Les interventions prévues ce jour-là en ambulatoire ou chez des patients hospitalisés ont été planifiées soit la veille, soit tôt le matin. Nous nous occupons de toutes les affaires urgentes de la nuit. La tournée du matin commence entre 7 h et 7 h 30 selon le site hospitalier. À cette occasion, le stagiaire en RI discute de chaque cas du jour avec les titulaires et détaille le plan d’intervention. À la fin de la tournée, nous sommes prêts à prendre en charge les cas du jour. On commence généralement le premier cas à 8 h du matin. Le principal hôpital universitaire d’Emory (où un stagiaire en surspécialisation passe 6 mois de l’année) dispose généralement de quatre salles d’angiographie (ainsi que d’une salle de tomodensitométrie pour les interventions qui le nécessitent). Un stagiaire en RI est affecté à chacune des salles et en est responsable pour la journée. Dans les autres sites hospitaliers, où un seul stagiaire en RI expérimenté est affecté, ce dernier est responsable de l’ensemble des cas du jour. Une fois que le dernier cas a été traité, le stagiaire en surspécialisation dicte les comptes-rendus du jour tout en prenant en charge tout problème survenu au sein de l’unité. C’est à ce moment-là que l’on planifie la journée suivante, en effectuant le triage et en planifiant les consultations des patients hospitalisés à partir de la liste de patients externes du lendemain. En début d’année, il n’était pas rare que je quitte l’hôpital après 21 heures, puisque je voulais que le jour suivant se déroule mieux que le précédent. Heureusement, au fil du programme de formation, j’ai gagné en efficacité, ce qui me permettait de partir légèrement plus tôt.
Les gardes de nuit ou de fin de semaine avaient sans aucun doute le potentiel d’être chargées. Étant donné les nombreux sites couverts par Emory, nous partagions la ville en deux régions, nord et sud, un stagiaire expérimenté et un titulaire étant affectés à chacune de ces zones chaque jour. En tant que responsable des stagiaires en surspécialisation pendant ma deuxième année, je devais planifier les gardes, m’assurer que les stagiaires ne soient pas de garde plus qu’un jour sur quatre. La région sud était sans aucun doute la plus chargée deux, puisqu’elle comprend à la fois l’hôpital universitaire Grady (traumatologie de niveau 1) et celui d’Emory (centre de transplantation et d’interventions chirurgicales et hépatobiliaires complexes). Il n’était pas rare d’être debout la plus grande partie de la nuit pour effectuer des embolisations en cas de traumatisme ou de traiter en urgence des patients en pleine hémorragie. Cela dit, la culture de l’établissement faisait en sorte que les stagiaires bénéficiaient d’un sursis bien mérité après des gardes exigeantes.
Combien de patients avez-vous traités?
Au bout de deux ans, j’aurai traité un peu moins de 3 000 cas, et ce avec une autonomie croissante. Emory prend en charge une énorme diversité de cas, dont la complexité varie grandement, elle aussi. Voici certains des cas les plus complexes auxquels j’ai pu prendre part : mise en place d’un TIPS (Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt) (généralement sous échocardiographie intracardiaque pour l’accès à la veine portale), interventions hépatobiliaires complexes telles que cholangiographie transhépatique percutanée avec pose palliative d’une endoprothèse, cholangioscopie avec lithotripsie et retrait de calculs, ablations thermiques et chimiques complexes d’organes et de tissus mous, embolisations pelviennes et d’organes pleins après trauma, nombreux traitements endovasculaires du foie, notamment radioembolisations à l’yttrium 90, lymphangiogrammes diagnostiques et thérapeutiques avec embolisation et reconstructions veineuses complexes guidées par échographie intravasculaire.
En matière d’expérience en surspécialisation, la force d’Emory réside dans le traitement novateur des patients atteints de maladies complexes. Par exemple, j’ai participé au tout début de la création de fistules artérioveineuses endovasculaires chez des patients sous dialyse (nous aurons bientôt réalisé une telle intervention chez 10 patients). Par ailleurs, Emory n’a pas son pareil en matière de prise en charge de la douleur et de soins palliatifs. Dans l’espoir d’endiguer la crise des opioïdes, une bonne proportion de l’expérience de formation a été axée sur les interventions de soulagement de la douleur, y compris la spondyloplastie (avec ablation thermique de métastases osseuses), la cryoneurolyse (ciblée notamment sur les nerfs pudendal et du plexus cœliaque) ainsi que l’ablation des nerfs du genou chez les patients ne pouvant pas subir d’arthroplastie du genou.
Dans quels domaines, s’il y en a, avez-vous l’impression d’avoir été moins bien formé?
J’ai l’impression qu’Emory m’a offert une expérience de surspécialisation vraiment complète, comme je l’ai expliqué précédemment. Cependant, comme c’est le cas dans de nombreux centres de formation en radiologie d’intervention aux États-Unis, nous sommes très peu exposés à des cas de maladie aorto-iliaque et d’artériopathie périphérique, à l’inverse de ce qui peut se faire en surspécialisation au Canada, à ma connaissance. Cette différence de formation se constate quand on cherche des postes d’enseignement en radiologie d’intervention au Canada. Je pense cependant que mon expertise en imagerie et mes compétences endovasculaires me permettront de combler mes lacunes dans ce domaine. De nombreux médecins ayant effectué leur surspécialisation à Emory ont par la suite excellé dans le traitement des artériopathies périphériques. Le dicton « apprenez à un homme à pêcher… » me vient à l’esprit.
Quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients d’effectuer une surspécialisation aux États-Unis?
Avant de parler des avantages et des inconvénients de ces deux environnements de formation, il me semble qu’il faut clarifier certaines choses. La première différence qui me vient à l’esprit concerne la durée de la formation en radiologie d’intervention aux États-Unis et au Canada. Aux États-Unis, la formation en radiologie d’intervention peut se faire selon différentes voies en raison de la création du programme de résidence en RI. Par exemple, un diplômé de la faculté de médecine peut désormais être jumelé avec un programme intégré de résidence en radiologie d’intervention (stage + 5 ans de formation en radiologie d’intervention). Les quatre premières années suivent le même cursus que la formation en radiologie diagnostique (RD), et l’étudiant peut passer l’examen de radiologie diagnostique. Dans cette filière, les deux dernières années comportent énormément de radiologie d’intervention, mais aussi une formation dans d’autres domaines, habituellement au sein du service de soins intensifs ou de chirurgie de transplantation.
La deuxième voie de formation à la RI est de commencer comme résident en RD, puis de se faire jumeler avec un programme de spécialisation précoce en radiologie d’intervention (ESIR, Early Specialization in Interventional Radiology). Dans ce cas, la cinquième année de résidence du programme de RD étiquetée ESIR comprend 7 mois de RI, y compris un mois sur des sujets autres que la RI. Les étudiants de cette filière peuvent ensuite être jumelés en deuxième année d’un programme de résidence en RI indépendant de deux ans. La dernière année est entièrement dédiée à la RI. Les programmes de formation de ces deux filières durent 6 ans.
Enfin, la voie habituelle est d’effectuer une résidence en radiologie diagnostique pendant 5 ans, qu’il est encore possible de faire suivre d’une résidence en RI; cependant la résidence dédiée à la RI dure 2 ans (la formation dure donc 7 ans en tout). Il faut également que je précise qu’il N’EXISTE PLUS de « surspécialisation en RI » aux États-Unis. Les trois filières de formation à la RI portent toutes le nom de programmes de résidence.
L’année où j’ai commencé ma formation en RI, en 2020, j’ai fait partie de la première cohorte effectuant une résidence indépendante en deux ans. À l’origine, quand j’ai déposé ma candidature et que j’ai appris cela, j’ai été un peu découragé par l’année supplémentaire de formation que je devrais faire par rapport aux surspécialisations au Canada. Mais si c’était à refaire, je le referais sans hésitation. Ça m’a déjà pris quelques mois pour me sentir à l’aise dans les nombreux sites hospitaliers d’Emory… Et au sein d’un environnement de santé très différent, globalement. Mais surtout, cette année supplémentaire de traitement de cas en tant que stagiaire m’a été extrêmement précieuse. J’ai pu affiner mes compétences tant en matière d’interventions courantes (comme les embolisations de fibromes utérins) que d’interventions moins courantes (comme l’embolisation d’une artère prostatique ou même la mise en place transœsophagienne percutanée d’un tube par gastrotomie). Par conséquent, tout bien considéré, j’estime que cette année supplémentaire a été un véritable bonus.
En second lieu, le programme de résidence en RI de deux ans (qui n’est pas une surspécialisation!) comporte des avantages que l’on cherche à avoir une carrière en milieu universitaire ou extra-universitaire. Pour une carrière en milieu universitaire, le raisonnement est plutôt simple : deux ans de formation de pointe en RI clinique dans un environnement on ne peut plus universitaire établissent les bases d’une réussite académique en RI. Je pense cependant que cette filière renforce davantage les compétences d’un candidat qui se destine à l’exercice en milieu communautaire, où les services de surspécialité sont plus rares et où le radiologue d’intervention peut utiliser tout l’arsenal de connaissances à sa disposition et toutes ses compétences pour améliorer les soins aux patients au sein d’équipes pluridisciplinaires.
Il y a peu d’inconvénients à effectuer une résidence en RI aux États-Unis, selon moi. L’aspect le plus difficile a été de ne pas voir ma famille autant que je l’aurais voulu pendant ma formation. Puisque l’ensemble de ma formation de surspécialisation s’est passée à « l’ère de la COVID-19 », en particulier la première année avec l’explosion des nouveaux cas, il n’était ni faisable, ni pratique de rentrer au Canada. Heureusement, j’ai pu compter sur d’excellents collègues et titulaires, grâce à qui je me suis senti comme chez moi à Emory.
À mon avis, grâce à une formation complémentaire spécialisée et à du mentorat, il est possible de surmonter les inconvénients secondaires, comme le manque de formation sur les interventions aortiques et les artériopathies périphériques dont j’ai parlé précédemment, ou même sur d’autres compétences pratiques et connaissances qui sont mises de l’avant dans un pays plus que dans un autre ou même au sein d’un établissement. Tout est possible pour un radiologue d’intervention qui possède des compétences de base sur les fils guide et les cathéters et une expertise en imagerie diagnostique. À Emory, mes mentors m’ont fortement incité à ne pas me focaliser outre mesure sur une intervention en particulier, mais plutôt à passer davantage de temps à comprendre le processus pathologique. En effet, il est fort probable que la maladie existe encore demain, ce qui ne sera peut-être pas le cas du traitement offert aujourd’hui.
Pensez-vous passer les examens canadiens de radiologie d’intervention vasculaire? Pourquoi?
Oui, je prévois certainement de passer les examens canadiens de radiologie d’intervention. Comme c’est le cas pour les examens de surspécialisation en RI aux États-Unis, une évaluation normalisée de la RI au Canada permet de s’assurer que les médecins en exercice dans ce domaine possèdent les connaissances appropriées afin de répondre au mieux aux besoins des patients en toute sécurité.