D’après une conversation informelle avec des spécialistes canadiens du domaine endovasculaire, il semblerait que le Canada a du retard sur l’Europe et les États-Unis en matière de traitement de la maladie veino-occlusive. Le professeur Gerry O’Sullivan, de l’hôpital universitaire Galway en Irlande, compte parmi les plus éminents spécialistes de la médecine d’intervention veineuse. Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec lui.
Le professeur Gerry O’Sullivan est consultant en radiologie d’intervention à l’hôpital universitaire de Galway, en Irlande. Il a auparavant occupé un poste de consultant en radiologie au Rush University Medical Center de Chicago. Le professeur O’Sullivan a effectué ses études de médecine (MBBS) au University College Cork, en Irlande.
CAIR: Au Canada, la maladie veino-occlusive est peu étudiée comparativement à l’Europe et aux États-Unis, et de nombreux patients ne sont pas traités. Je comprends que cela a également pu être le cas en Irlande et que vous y avez décelé un besoin. Pourriez-vous nous expliquer cela?
GS: Selon moi, cela représente une occasion importante pour les spécialistes vasculaires, et en particulier les radiologues d’intervention. À l’heure actuelle, les patients atteints d’un ulcère veineux sont probablement la population la moins desservie et la moins représentée de l’ensemble du spectre des maladies vasculaires, malgré leur souffrance souvent inutile. Ces patients consomment d’importants montants issus des contribuables, ainsi que du temps et des ressources dans les cliniques, sans compter qu’ils mobilisent des infirmières pour refaire leurs pansements et prendre soin de leurs blessures, etc.
Avec d’autres experts du domaine vasculaire, les radiologues d’intervention ont certainement la capacité d’aider ces patients, qui leur en sont incroyablement reconnaissants. Grâce aux compétences que la plupart d’entre eux possèdent déjà, les radiologues d’intervention ont la capacité d’exercer une influence profonde et très positive sur la vie de ces patients.
Après ma formation initiale en radiologie d’intervention, en Angleterre, je suis allé à Stanford, en Californie. J’y ai rencontré des gens très en avance sur leur temps en 1998. J’ai ensuite passé 3 ans et demi à Chicago, où j’ai réalisé que j’allais me destiner non pas à la dissection aortique, comme je l’avais prévu, mais plutôt à la maladie veineuse.
En 2002, quand je suis revenu en Irlande, j’ai constaté que cette affection était, pour le dire franchement, plutôt négligée. À l’époque, on proposait simplement de l’anticoagulation aux patients présentant des événements thrombotiques aigus; nous avons réussi à changer cela, dans une certaine mesure.
Désormais, j’offre tout l’éventail des interventions veineuses, à part le traitement des malformations artérioveineuses que j’envoie à un collègue de Dublin, à deux heures de route. Mais à part cela, je traite l’insuffisance veineuse, le syndrome de la veine cave supérieure, l’obstruction de la veine cave inférieure, la thrombose veineuse profonde aiguë, l’insuffisance veineuse chronique (syndrome postphlébitique), les ulcères veineux, l’embolisation de varicocèle, l’embolisation des veines pelviennes, les embolisations en lien avec un cancer, et la liste continue. Tout bien considéré, j’ai abandonné le traitement des maladies artérielles, à part l’embolisation. Je ne dis pas que c’est la seule façon de faire, mais c’est ce que j’ai fait et cela me convient.
CAIR: La prise en charge de la maladie veino-occlusive a évolué avec le temps. Pourriez-vous nous parler de quelques-unes des principales découvertes du domaine et nous dire en quoi elles ont changé votre pratique?
GS: Les techniques de traitement des thromboses veineuses sont désormais très efficaces pour retirer des thrombus de volume important, grâce à la thrombolyse pharmacomécanique et à de très faibles doses d’agents thrombolytiques. Il est donc bien fini, le temps où le patient devait subir cinq jours de thrombolyse par cathéter. Environ 90 % des patients peuvent être traités avec un dispositif de thrombectomie; quant aux 10 % restants, il arrive à l’occasion que l’on effectue une thrombolyse par cathéter pendant une nuit. Après une thrombectomie, les endoprothèses veineuses sont très utiles. L’amélioration des diagnostics également, puisque nous nous sommes grandement améliorés en matière de veinographie par résonance magnétique grâce à l’aide de certains centres d’Europe.
Selon moi, la maladie veineuse est trop peu abordée dans les programmes de radiologie diagnostique et de radiologie d’intervention, et j’ai certainement beaucoup appris après la fin de ma formation.
CAIR: Question tendancieuse : Que conseilleriez-vous pour mettre en place et maintenir un service de traitement des maladies veineuses
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- Sensibiliser les autres médecins
- Rechercher des patients
- Clinique multidisciplinaire
- Suivi de patients
GS: Toutes ces réponses. Honnêtement, j’aime les veines, pas les préoccupations vaines!! Je n’hésite jamais à m’assurer que le laboratoire vasculaire m’appelle en premier pour la prise en charge des thromboses veineuses profondes, et c’est généralement ce qu’ils font. Les chirurgiens vasculaires sont plutôt contents de me refiler tous ces cas, que j’accepte avec joie, qu’il s’agisse d’une thrombose veineuse profonde aiguë, d’une insuffisance veineuse chronique ou d’une thrombose veineuse profonde aiguë due à une insuffisance veineuse chronique. La plupart des radiologues d’intervention ont déjà leurs entrées auprès des néphrologues pour l’entretien des fistules artérioveineuses et le traitement de la maladie veino-occlusive centrale causée par le cathéter central d’hémodialyse… Donc, un cas en entraîne tout naturellement un autre, et on ne manque vraiment pas de travail.