Dre Taylor Loon, MBBChBAO, résidente de 1re année en radiologie diagnostique à l’Université de médecine SUNY Upstate

 

Un jour, j’ai assisté à un transfert de soins au sein d’un service : le patient du médecin résident était un homme transgenre. Lors de notre dialogue au sujet des soins prodigués à ce patient, ce résident a souvent utilisé le morinom du patient (c’est-à-dire le prénom qui lui avait été assigné à la naissance, au lieu d’utiliser le nouveau prénom choisi dans le cadre de sa transition)1, tout en utilisant le pronom « elle » au lieu de « lui » pour parler de ce patient. J’ai plusieurs fois essayé, en vain, de corriger les commentaires de ce résident, mais je n’ai pas réussi à lui faire changer sa perception des personnes transgenres confiées à ses soins. Étant moi-même membre de la communauté LGBTQ+, cet événement a suscité chez moi des interrogations sur la façon dont, malgré tous nos engagements envers l’équité des soins pour tous les patients, nous pourrions nous améliorer en matière de soins aux personnes transgenres et non binaires.

Les obstacles à l’accès aux soins

Les disparités en matière de soins de santé sont beaucoup plus importantes pour les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer ou en réflexion et autres (LGBTQ+) que pour les personnes cisgenres. Les facteurs contribuant à ces disparités comportent notamment la discrimination perçue et le refus de soin de la part des fournisseurs de soins de santé, en plus de l’origine ethnique et du lieu2. Les résultats d’un sondage mené en 2019 par Trans PULSE Canada auprès de 2 873 personnes trans et non binaires du Canada ont été publiés en 2020. Au total, 45 % des personnes y ayant répondu ont signalé avoir au moins un besoin de soins de santé non satisfait en 20192, contre 4 % parmi la population générale au Canada en 20152. De plus, 12 % des personnes ayant répondu évitaient complètement de se rendre au service des urgences à cause de leur transidentité, même s’iels avaient besoin de soins. Des antécédents de harcèlement ou la peur du harcèlement constituaient l’un des facteurs contributifs majeurs de leur réticence à chercher à obtenir des soins2.

Que faire pour améliorer la situation?

Mini-glossaire des termes principaux

En tant que membres des professions de la santé, notre objectif est sans aucun doute de prodiguer des soins d’excellente qualité aux personnes qui nous consultent, et ce, de façon ouverte et sans jugement. Toutefois, cela peut être difficile pour nombre d’entre nous à cause de notre manque de familiarité avec la terminologie adéquate à utiliser pour parler des identités de genre de ces personnes. La liste ci-dessous vise à fournir certaines définitions des termes principaux.

Personne transgenre ou trans : Personne dont l’identité de genre (la conception personnelle qu’a une personne de son genre, son degré de masculinité ou de féminité) et/ou l’expression de genre (la manière dont une personne peut exprimer son identité de genre, notamment par son nom, ses vêtements, sa coiffure, sa voix et/ou ses caractéristiques corporelles) sont différentes de ce qui est généralement associé au genre qui lui a été assigné à la naissance2.

L’identité des personnes transgenres ne dépend pas de leur apparence physique, de la prise de traitements hormonaux ou des interventions chirurgicales subies ou non (interventions d’affirmation sexuelle). Par ailleurs, il est important de ne pas se baser uniquement sur l’apparence physique d’une personne et de la croire quand elle dit qu’elle est trans.

Personne non binaire, au genre non conforme, au genre fluide ou de genre queer : Personne dont l’identité de genre ou l’expression de genre ne correspond pas au modèle binaire généralement associé au fait d’être un homme ou une femme2.

Ces termes sont très différents du terme transgenre et ne sont pas interchangeables. Ils ne doivent être utilisés que si la personne se définit comme une personne non binaire ou au genre non conforme.

 Personne bispirituelle : Personne qui se définit comme ayant à la fois un esprit masculin et un esprit féminin. Ce terme est utilisé par certaines personnes autochtones pour décrire leur identité sexuelle, spirituelle et/ou de genre. Il s’agit d’un terme valise pouvant décrire l’attraction pour les personnes du même sexe ainsi que diverses identités de genre, y compris les personnes qui pourraient être décrites dans les sociétés occidentales comme gaies, lesbiennes, bisexuelles, transsexuelles, transgenres, de genre queer ou ayant de multiples identités de genre3.

Personne cisgenre : Personne dont l’identité de genre correspond au genre qui lui a été assigné à la naissance2.

Utilisation des termes choisis

Il arrive souvent que le nom et le pronom des personnes confiées à vos soins ne correspondent pas avec ceux qu’elles choisissent d’utiliser. Il peut en effet être extrêmement difficile pour une personne de faire changer son nom et son genre dans son dossier médical, par conséquent les renseignements y figurant peuvent ne pas être à jour. Utiliser le mauvais nom, ou « morinommer » (deadnaming) une personne peut placer cette dernière dans une situation particulièrement inconfortable.

Lors de votre première rencontre, demandez à la personne comment elle souhaite que vous vous adressiez à elle et, si elle accepte de vous fournir cette information, quels pronoms elle utilise. En plus de vous assurer que les autres membres du personnel du service emploient le bon nom et les bons pronoms pour s’adresser à cette personne, vérifiez que le dossier médical de cette dernière comporte les bons renseignements également. S’il est impossible de modifier le nom de la personne sur son dossier médical, indiquez son nom de prédilection entre parenthèses à côté et n’utilisez que son nom et ses pronoms de prédilection lorsque vous dictez, écrivez des rapports de suivi ou des comptes-rendus d’intervention.

Créer un environnement accueillant et propice

Que devraient faire les radiologues d’intervention pour cela? Un moyen simple de rendre nos services ou cabinets plus inclusifs serait d’utiliser des panneaux, autocollants et drapeaux comme le drapeau de la fierté LGBTQ+ ainsi que les drapeaux transgenre et non binaire. Il s’agit d’un geste simple qui permet de soulager les personnes qui entrent dans votre établissement et de les informer du fait que cet établissement constitue un espace sécuritaire où iels peuvent recevoir des soins.

Une autre façon de soutenir les personnes qui se présentent dans votre service est d’éviter d’utiliser inutilement la mention du genre dans les formulaires, les procédures et la documentation médicale. Une première étape pourrait être d’éviter d’utiliser des noms genrés comme « monsieur », « madame » ou « mademoiselle » lorsque l’on s’adresse aux gens. Proposer des toilettes et des cabines de déshabillage non genrées, demander aux personnes d’inscrire leur identité de genre (au besoin) sur les formulaires médicaux plutôt que de cocher une case « homme/femme », fournir des blouses confortables et couvrantes pour tous types de morphologies sont d’autres petites avancées vers la réduction des mentions de genre inutiles.

Il est particulièrement important de vous assurer que vous-même, vos collègues et votre personnel connaissiez ces pratiques. Chaque personne de votre service, des radiologues au personnel infirmier en passant par le personnel technique, devrait savoir comment s’assurer que les personnes trans, bispirituelles et non binaires soient traitées avec respect et dignité à chaque étape de leur cheminement thérapeutique. Il est important de corriger les collègues qui utilisent la mauvaise terminologie au sujet de l’identité d’une personne. Des organismes comme Rainbow Health Ontario et Trans Care BC offrent des cours à la demande ou planifiés aux fournisseurs de soins de santé, afin d’améliorer leurs compétences tant cliniques que culturelles sur les soins aux personnes LGBTQ+ et de leur permettre de créer un environnement inclusif.

L’inclusivité ne nécessite pas nécessairement d’apporter des changements inutiles aux politiques d’un service ou d’un cabinet, mais ce n’est pas non plus un processus qui s’effectue en une nuit. En cherchant à comprendre les besoins des personnes trans et non binaires qui viennent nous consulter, nous avons le pouvoir de créer une relation forte avec elles et de leur offrir un service de radiologie d’intervention accueillant.


Références

1Stowell, J. T., Grimstad, F. W., Kirkpatrick, D. L., Brown, L. R. et Flores, E. J. (2019). Serving the Needs of Transgender and Gender-Diverse Persons in Radiology. Journal of the American College of Radiology, 16(4), 533–535. https://doi.org/https://doi.org/10.1016/j.jacr.2018.12.050
2
Trans Pulse Canada. (10 mars 2020). Accès à la santé et aux soins de santé pour les personnes trans et non binaires au Canada. Consulté le 26 octobre 2021 à l’adresse https://transpulsecanada.ca/fr/results/rapport-1/
3
Fewster, P. H. (n.d.). Two-spirit community. Researching for LGBTQ Health. Consulté le 27 octobre 2021 à l’adresse https://lgbtqhealth.ca/community/two-spirit.php.